Haïti: l’échec des élites, le peuple à genoux
Là où la crise d’intelligence sévit; la médiocrité, l’insouciance et l’incompétence s’érigent toujours en système. Une sorte d’arme de destruction massive. L’action est l’antidote du désespoir dit Joan Baez. Haiti cessera un jour de pleurer et renaîtra de ses cendres. L’une de ses filles en a confiance en dépit des amertumes partagées avec ses compatriotes.
Je me réveille et je pense à Haïti, à nos défis et je me pose des questions que je me suis déjà posée pour la énième fois. J’ai arrêté de parler, de dénoncer, de me plaindre de la situation criante dans laquelle la nation patauge; j’en avais marre de mon impuissance à faire quelque chose. On ne peut quand même pas passer sa vie à se plaindre d’une situation, soit on démissionne, soit on propose des solutions. Je ne voyais pas de solution et je ne peux pas démissionner de mon statut d’haïtienne, c’est dans mon ADN. Quelqu’un n a-t-il pas dit qu’ « un problème bien posé est un problème à moitié résolu? ». Alors je me dis pour la énième fois, qu’est ce qui m’échappe dans la crise haïtienne? Je refuse de continuer à me plaindre, à me fâcher jusqu’ à me rendre malade face à la bêtise haïtienne.
Alors par où commencer avec mes questions? J’ai choisi de questionner le leadership de notre nation avec beaucoup de simplicité et de candeur. Comment quelqu’un ou un groupe peut-il se maintenir au pouvoir pendant que l’entreprise qu’il est appelé à gérer ne fait que se détériorer? C’est la norme en Haïti depuis que j’ai eu assez de compréhension pour réfléchir sur la question du pouvoir dans ce pays. Alors, je me demande nos leaders sont-ils de bonne foi, mais totalement incompétents? Ou alors la compétence n’est pas un problème mais ils sont de mauvaise foi ? S’agit-il d’une combinaison des deux? Dans les deux cas, ils ont perdu le droit de diriger. Ils doivent être révoqués de leur job ! On ne peut pas avoir des employés avec un contrat à vie pendant qu’ils détruisent l’entreprise commune ! Ils s’en vont, certains sont chassés au prix du sang de nos compatriotes, ils reviennent des années plus tard, ils sont encensés comme des héros, nous leur offrons le poste à nouveau, n’est ce pas dingue ?
Diriger veut dire être à même d’apporter des solutions aux problèmes. Si vous en êtes incapable, c’est totalement contre éthique de continuer à percevoir un salaire et des honneurs pour un service que vous êtes incapable de fournir. Aussi simple que ça!
Mon pays a des problèmes que vous n’ignoriez pas, vous vous êtes présentés à la face de la nation disant que vous voulez et pouvez les résoudre. (Je ne suis même pas sûre, peut être ont-ils dit, je suis du même parti qu’un tel). Autrement, pourquoi vous aurait-on embauchés ? Parce que vous avez le crâne chauve ? Parce que la couleur bleue, rose, vert que sais-je est votre couleur favorite ? Parce que vous savez conter des histoires du terroir, cric crac, qui dit mieux ? Parce que vous êtes un héritier du royaume que votre grand père et votre père vous ont légué ? Parlez moi du hit sur votre dernier album ou combien de fans avez vous assemblé aux Champs de Mars lors de votre dernière prestation ? Tant qu’on y est, pourquoi pas un parti des femmes aux grosses fesses! Pourquoi pas? Nos critères de sélection sont tellement puérils et insensés, tout est possible. Quel résultat fallait-il espérer?
Certains diraient, ils ont été élus pour cinq ans, ils doivent boucler leur mandat. Même si la nation est en péril ? Quelle est donc cette logique ? Quand vous êtes élus, vous recevez un mandat de confiance, la nation vous embauche pour faire un job. Si vous détruisez le bien commun, la nation doit-elle se résigner à tolérer la stupidité pendant la durée du contrat, même si les résultats sont catastrophiques? Voilà, je crois que nos élites ont failli de faire comprendre aux gouvernements et aux techniciens de l’Etat qu’ils sont des employés! Le gouvernement haïtien est la seule entreprise où nous embauchons les gens sans expérience, sans exigence de résultats, ils n’ont même pas l’obligation de passer une bonne interview. Alors ils deviennent arrogants, ils nous manquent de respect, nous lancent des vulgarités à la face, refusent de donner des comptes et dilapident le bien commun. Mieux encore, quand on ose élever la voix, ils nous menacent, nous tuent, nous condamnent à l’exil. Et aussi insensé que cela puisse paraître, il y a des intellectuels qui montent aux créneaux pour défendre ou justifier cette arrogance. Il faut seulement lire les commentaires sur les réseaux sociaux, j’en ai la nausée! Jai arrêté de confronter des confrères, des collègues qui me disent: « J’aime untel ou untel ». Je ne suis pas là pour vous aimer, mes émotions personnelles n’ont rien à y voir. Le fanatisme aveugle est destructeur et contre productif !
Qu’est ce que vous faites du pays? Votre gestion? Voilà ce qui m’intéresse. Peu importe que vous soyez mon meilleur ami ou un membre de ma famille, je refuse de cautionner vos inconséquences, ce serait irresponsable de ma part. Je fais partie d’une minorité éduquée dans lequel le pays a investi. Une stupide question de gaz plongent nos compatriotes dans l’enfer. Nous sommes résilients, nous survivons, on le prend avec humour. Mais il y a un moment où il faut arrêter la comédie, ce n’est plus amusant, il faut demander qui est responsable de cette gabegie !
June Laforest
Médecin
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