Gazmann Couleur : en bon disciple et fervent défenseur du Konpa Dirèk
En moins de trois (3) semaines, l’album de Disip titré « Loreya » a fait l’unanimité. Chaque mélomane, grâce à la diversité de ce laser, trouve une raison pour dire qu’il s’agit d’un produit intéressant et réussi. Disip, après « Klere Yo » encore une fois, a frappé fort.
Entre Klere Yo et Loreya, des doutes à dissiper
Hudler Joseph, PDG de « Haïti Info Plus », ce magasine en ligne très prisé, se dit satisfait du nouveau laser de Disip, cependant, il reste sceptique pour dire que ce disque est bien meilleur à « Klere Yo » le précédent disque du groupe. J’ai tenté de le convaincre pour lui dire que cet album, pour plusieurs raisons est bien meilleur à « Klere Yo ». L’une d’entre elles, dans « Klere Yo », les trois premières chansons du disque « Klere Yo » « HeartBreak & Misery » et « San Manti » ayant été des compositions de Dener Séide se sont détachées de l’album. Par exemple, l’intro de « Klere Yo », le premier morceau aussi titre relief du disque, par sa vigueur et sa magnificence peut tout simplement être le thème introductif de Disip dans les soirées dansantes (en passant sur le dernier disque l’intro de « Héritage » #10, en est aussi une autre alternative). Aussi et surtout, « San Manti » est, pour moi, la meilleure chanson Konpa pour cette deuxième décennie du 21ème siècle pour ne pas dire pour tout le siècle. « Heartbreak & Misery », une adaptation de la chanson « Jealous » interprétée par le jeune chanteur londonien, Timothy McKenzie mieux connu sous le nom de Labrinth, a été pendant plusieurs mois le hit qui a vendu l’album. Ces trois (3) chansons se sont détachées du reste de l’album.
Dans « Loreya », le décor est tout autre. Premièrement, Dener Séide ne collabore pas directement avec Gazzman sur cet album. Cependant deux (2) autres lieutenants de Gazzman , Richard Noël (Faho) et Esdras Edouard (Drasso), deux jeunes, ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour faire de « Loreya » un disque réussi. Par exemple, sur les 14 chansons du disque, Faho a composé ou collaboré dans onze (11) morceaux. La touche de Faho ne se retrouve pas dans « Il est où le bonheur », track #2, dans « Psaume 150 » track #5, « A pa ou ale vre », track#6. Il va sans dire que les trois (3) chansons publiées l’année dernière (1804, Téléphone, Si m te gen pouvwa lavi) ayant été toutes des hits et ayant donné à Disip droit de cité dans la cour des grands sont l’œuvre de Faho. Sur cet album, il a ajouté huit (8) autres puisque Gazzman y a repris les trois (3) chansons susmentionnées. Cela est pour beaucoup dans l’uniformité et dans la qualité de la production. En effet, je pense que le jeune Faho est très doué non seulement comme guitariste mais aussi comme compositeur. Gazzman a vraiment réalisé un coup de poker en lui donnant libre cour, d’autant plus qu’il vit en Haïti donc n’étant pas un membre intégrant du band.
Le second lieutenant de Gazzman, étant une arme sûre et incontournable, s’appelle Esdras Edouard dit Drasso. Actuellement, il est le maestro de Disip. Disons tout de suite que Drasso vient du monde évangélique. La musique évangélique (protestante surtout) a toujours été une source intarissable en fournisseur de musiciens pour le monde musical dansant dit showbiz. Gazzman présentant Drasso affirme qu’il est keyboardiste, bassiste, percussionniste, chanteur et compositeur. Gazzman renchérit pour dire que Drasso est un « joueur complet ». Sur ce disque, Drasso a réalisé l’adaptation de la chanson de Christophe Martichon dit Maé « Il est où le bonheur ». Cette chanson, initialement à la fois Jazz et R&B dans un style rappelant étrangement la célèbre Tracy Chapman, a été adaptée sous un registre mi-Zouk mi- Konpa pour emballer même les insensibles. Gazzman, en bon disciple de Cubano, s’y est dépensé en mettant tout son cœur et toute son âme pour exprimer une tristesse, une mélancolie proches le plus que possible de la réalité. Le texte de Drasso exprime bien le dilemme de certains des artistes. En effet, sous un faux semblant, ils procurent la joie aux autres tout en souffrant d’un déficit de bonheur. Cette pièce, à mon sens, est sur le point de connaitre les mêmes succès de « Heartbreak & Misery » du précédent album. Chapeau Drasso, Chapeau Gazzi.
Disip, une originalité à construire
Actuellement, Disip tient son originalité seulement de la voix de Gazzman. Autrement dit, Disip est un mélange de Nu Look, de Zenglen, de Klass. En effet, pendant neuf (9) ans (2000-2009), on identifiait Nu Look d’abord à Gazzman puis à Arly Larivière. Cela veut dire la rétro alimentation (feedback) entre les deux musiciens (les deux groupes) est à la fois visible et audible. Ensuite, ces deux groupes utilisant les services de Sheddly Abraham à la percussion, ne serait-ce que pour les versions studio de leur production, sonnent de façon presque identique en « background » (nan ban dèyè) quand il joue véritablement le rythme Konpa. Signalons en passant que les groupes Konpa de la nouvelle génération Konpa sont presque incapables de se créer une identité parce qu’ils optent soit pour le tambour automatique soit pour un tambour peu expressif. Aujourd’hui (à part Djakout #1) on n’entend guère les sons du tambour dans les chansons Konpa lesquelles vibrations qui, hier, créaient une diversité, une variété et des originalités étonnantes dans le Konpa. Et la liste était longue : Konpa Kè kal (Bossa Combo), Konpa Ting Ting (Les Frères Déjean), Konpa Electronic (D.P. Express), Konpa Malouk (Shoogar Combo). Le tambour fut si important dans le Konpa que Nemours Jean Baptiste, pour répéter Mario de Volcy, le talentueux batteur du Bossa Combo, jouait pendant cinq (5) années consécutives avec un seul tambour…. le tambour de Kreutzer Duroseau en background. Venaient beaucoup plus tard les batteries et les gongs en complément, je répète en complément, pour la section couramment appelée « Ban Dèyè a». Aujourd’hui, la batterie (percussion) s’affiche en argument unique en background ce qui enlève la vraie saveur du Konpa lui rendant très « mademoiselle ».
Le second facteur retardant sérieusement la construction de l’originalité de Disip est le renouvellement incessant de l’effectif du groupe. Les quatre (4) disques de Disip ont été produits sous la direction des maestros différents : Mission (2010) avec Gabriel Laporte ; Viktwa (2013), Felder Antoine ; Klere Yo (2016), techniquement Makenson Saint-Fleur mais en fait Dener Séide ; Loreya (2019), Drasso. Finalement, Gazzman Couleur et Jean Archil Clersainville (Tchoopy) sont les seuls musiciens de Disip à être présents sur les trois derniers disques de Disip.
Gazzman, le Konpa, pourquoi pas ?
Dans « Loreya », Gazzman a décidé de prioriser le Konpa Dirèk. Les divers courants, groove et facettes du Konpa ont été explorés. Par exemple, des chansons comme « Loreya » « Bèl epok » « Téléphone », 1804 et même « Héritage » s’inscrivent dans un registre dit « Konpa pike devan ». Le feu Felix Lamy aurait aimé ces styles de chansons qu’il se plaisait d’appeler Konpa dur. « Map divòse », « Mete m online », « Si m te gen pouvwa lavi » « Mwen pap twonpe w » sont du Konpa mid tempo. Et finalement, « Il est où le bonheur », « Map divòse » sont du Konpa à coloration Zouk…Konpa Klere Bouk Sentiwon (KKBS) vulgairement appelé Konpa gouyad.
A remarquer que le symbolisme du Konpa a été largement exprimé dans « Heritage ». Dans cette chanson, la bande à Gazzman ne revendique pas seulement le droit de cité pour le Konpa Dirék mais aussi de tous les autres rythmes (racines) de notre culture. Pour plusieurs raisons, la décision de Gazzman de co-interpréter cette chanson avec Frerot Jean-Baptiste m’a interpellée : 1) Frerot et Nemours partagent un même patronyme : Jean-Baptiste. 2) Gazzman a facilité une réhabilitation de Frérot Jean-Baptiste qui a été moins séduisant dans l’interprétation d’une chanson du même genre titré « 60 ans compas » sur l’album « Rezilta Pi Réd » de Zenglen (2015). J’ai toujours senti que Joachim Barthèlemy et Jean Brutus Dérissaint, les auteurs de cette chanson ont été mal inspirés et mal conseillés. Frérot Jean-Baptiste en a fait les frais.
Dans « Héritage » Frérot Jean Baptiste, en chanteur expérimenté, montre bien qu’il a aussi sa place dans la cour des grands même s’il est de moins en moins actif, pour le moment, sur la scène musicale.
Urbain Joseph
Journaliste et Historien
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