Des lycées de la capitale toujours occupés par des déplacés, un mois après la rentrée scolaire

Des lycées de la capitale toujours occupés par des déplacés, un mois après la rentrée scolaire

Plusieurs lycées servent encore d’abris pour des personnes dont les maisons ont été incendiées ou pillées par des bandits qui ont envahi les quartiers de Carrefour-Feuilles début août. À près de deux mois de la date qui a été fixée par le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) pour la réouverture des classes, les élèves desdits lycées n’ont pas encore repris le chemin de l’école. Lors d’une tournée effectuée le lundi 30 octobre 2023 sur ces sites, on a constaté que les lycées du Cent-Cinquantenaire, Marie Jeanne, Jean-Jacques et Anténor Firmin sont dysfonctionnels à date et sont occupés par des réfugiés de Carrefour-Feuilles.

Lundi, au lycée Anténor Firmin, l’ambiance scolaire n’est pas au rendez-vous. Si la direction ouvre ses portes, c’est pour permettre la poursuite des activités administratives. Rien n’est mis en place pour un fonctionnement normal de cet établissement scolaire, regrettent les responsables de ce lycée qui devait accueillir pas moins de 320 élèves cette année. Dans la cour, des centaines de réfugiés sont remarqués. Chacun s’occupe de ses affaires et essaie de vivre. Ici, la réouverture des classes est la dernière de leurs préoccupations. Les bancs et matériel de l’école sont éparpillés et servent de meubles pour les déplacés qui logent dans cet espace depuis plus de deux mois.

Les 18 salles de classe de ce lycée sont occupées par plus de 300 familles qui ne peuvent pas retourner à leur domicile et qui n’entendent pas quitter les locaux du lycée sans avoir la garantie que l’État va leur procurer une autre demeure.

Devant cette situation, le directeur du lycée Anténor Firmin, Jean Madcène Désir, a entrepris des démarches afin de permettre à quelques classes de fonctionner. « J’ai mené des démarches et grâce à celles-ci, les classes de 7e, 8e, de 9e et de Secondaire 4 fonctionnent au collège Saint-Louis Roi de France. Les responsables ont mis à notre disposition quatre salles de classe afin de permettre aux élèves de reprendre le chemin de l’école », a expliqué Désir. Ces classes fonctionnement de 2h à 5h de l’après-midi, a confié le censeur, Yves Jeudy, indiquant que pour l’heure, seuls 120 élèves se sont présentés en classe.

Aux lycées du Cent cinquantenaire, Jean Jacques Dessalines et Marie-Jeanne, la situation n’est pas différente. Pas de cours, ni aucune date prévue pour la reprise des activités scolaires. Toutes les salles de classe sont occupées pas des déplacés et l’insalubrité règne dans les lieux. Au lycée du Cent cinquantenaire, l’espace de la direction est occupé par le comité du camp. Plusieurs cartables contenant des dossiers y sont rangés, sans protection particulière. Si les responsables de ces institutions n’ont pas été aperçus lors de cette tournée, les personnes identifiées comme étant des responsables de camps de déplacés ont souligné qu’aucune démarche n’a été menée par les autorités étatiques afin de leur demander de vider les lieux ni de tenter de les reloger.

Au lycée Toussaint Louverture, la situation est toute autre. Pour cette année scolaire, des 1 392 élèves inscrits sur les registres de l’établissement, ils sont un peu plus de 1 000 à assister aux cours, vacation matin et soir combinées. Seul souci, beaucoup de professeurs ont quitté le lycée pour trouver refuge sous d’autres cieux, a indiqué le nouveau directeur du lycée, Jean Mathieu Auguste. « Nos locaux n’ont pas été vraiment occupés par les déplacés à cause de la position du lycée. Nous y avons quand même un petit groupe de réfugiés, mais cela n’a pas affecté la reprise des activités scolaires », a rapporté Jean Matthieu Auguste.

Le lycée Toussaint dispose d’une vingtaine de salles mais toutes ne sont pas occupées. Cela s’explique par le faible effectif d’inscrits pour cette année au lycée, d’une part, et d’autre part, la décision du MENFP de relocaliser les classes de 7e et de 8e AF. Interrogé sur la possibilité d’accueillir d’autres lycées au sein de l’établissement qu’il dirige, Jean Mathieu Auguste n’a pas écarté cette possibilité, confirmant qu’il a été contacté en ce sens par le directeur du lycée Fritz Pierre Louis. « Nous avons mis à leur disposition quatre salles de classe, nous les attendons depuis une semaine. Si au cours de la semaine prochaine le directeur ne se manifeste pas, il se peut que nous cédions la place à un autre lycée », a affirmé le directeur.

Un appel à la reprise des activités scolaires dans les écoles publiques

Le Collectif des écoles publiques prises en otage (CEPPO), regroupant les lycées Marie-Jeanne, Anténor Firmin, du Cent cinquantenaire, Jean-Jacques Dessalines et plusieurs écoles nationales, appelle à la reprise des activités scolaires. Joint par téléphone le lundi 30 octobre 2023, le directeur du lycée Jean-Jacques Dessalines, Jean Gérard Fleuriot, a vivement critiqué les ONG qui ne facilitent pas cette reprise. « Les ONG font un bon travail car ils volent au secours de ces victimes. Cependant, ils les encouragent à occuper les locaux de ces écoles en créant des emplois dans les centres de déplacés », a avancé M. Fleuriot.  Par ailleurs, s’exprimant au nom du CEPPO, Jean Gérard Fleuriot a précisé que le Programme alimentaire mondial (PAM) a distribué de l’argent cash à certaines victimes, ce qui, dit-il, les encourage à rester dans les camps.

« La majorité des victimes sont déjà parties des camps. Ceux qui y sont actuellement vont dormir chez eux et reviennent dans la matinée pour passer la journée, a décrit M. Fleuriot. Certains d’entre eux emmènent leurs enfants à l’école mais empêchent les élèves de ces lycées de jouir du pain de l’instruction », a déploré Jean Gérard Fleuriot.

Pour permettre aux élèves de ces lycées et des écoles publiques occupés par les réfugiés de reprendre le chemin de l’école, M. Fleuriot appelle à la formation d’une commission composée des ONG impliquées dans la gestion de l’aide dans ces camps, du MENFP et des représentants de l’État. « Les locaux ont été occupés provisoirement, maintenant ces écoles doivent fonctionner. En ce sens, nous proposons que les ONG et les instances impliquées octroient un fonds pour leur relocalisation », a-t-il conseillé.

La réaction du PAM

Contacté par le journal, le directeur pays du PAM, Jean-Martin Bauer, a indiqué que le PAM a contribué à la réponse alimentaire aux déplacés en fournissant un repas chaud aux victimes. Pour le moment, le PAM octroie l’équivalent de 120 dollars américains par famille. Face aux critiques voulant faire croire que les victimes demeurent dans ces écoles à cause de l’assistance, M. Bauer a rejeté d’un revers de main ces accusations. « Ce n’est pas l’assistance qui garde les personnes sur les sites. Ces gens sont dans les écoles à cause de la violence mais pas à cause de l’aide », a rétorqué Jean-Martin Bauer. Par ailleurs, ce dernier a souligné que les gens n’ont pas besoin d’être dans les écoles pour bénéficier de l’assistance monétaire.

Selon le CEPPO, ils sont plus de 120 000 élèves qui ne peuvent pas jouir de leur droit à l’éducation à cause de cette situation. En date du 24 octobre dernier, un communiqué du MENFP a informé que d’ici le mois de novembre toutes les écoles de la zone métropolitaine de Port-au-Prince occupées par des réfugiés devront fonctionner, jusque-là aucune mesure allant dans ce sens n’a été adoptée.

source: le nouvelliste

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