Lors d’une réunion sur l’immigration à la Maison Blanche, le 11 janvier 2018, le président des Etats-Unis avait traité Haïti et des nations africaines de « pays de merde ». Paradoxalement, certains dérapages de Donald Trump peuvent avoir des effets positifs inattendus. Ces propos ont largement contribué à la naissance d’une ballade créole sensuelle et incisive, Bon bagay (« des gens bien » en créole haïtien). Elle ouvre et donne son titre au septième et fort bel album du chanteur, guitariste et auteur-compositeur haïtien Beethova Obas, qui l’a enregistré entre Haïti et Hardelot (Pas-de-Calais), avec une fine équipe de musiciens, dont les pianistes David Fackeure (réalisateur de l’album) et Jean-Pierre Welmyr.
« C’est d’abord le comportement des dirigeants américains qui m’ont inspiré Bon bagay », explique le chanteur, joint par téléphone à Port-au-Prince, la capitale haïtienne. « Bill Clinton avait parlé autrefois d’Haïti comme de son backyard, son arrière-cour. J’ai eu envie de dénoncer ces attitudes. » Le crooner au timbre doux chante ainsi en créole : « Pourquoi nous prennent-ils pour des moins que rien ? (…) Pourquoi piétinent-ils notre dignité ? Ouvrons grands les yeux. Il est temps de taper du pied. »
Sa musique ruisselle de tendresse et de swing cajoleur, sa signature et sa manière d’être au chant depuis trente ans. Elle croise le Brésil, Haïti et Cuba. « A travers ce titre, je souhaite interpeller les Haïtiens. Nous devons avoir un comportement digne et projeter une image positive pour que plus personne ne puisse oser parler de nous ainsi. »
Un peu plus loin, la chanson poursuit : « Prenons l’avenir du pays en main. Pour que nos enfants soient fiers de nous demain. Pour revaloriser la nation. A nous de prendre les décisions. Montrons-leur que nous, Haïtiens, sommes des gens bien. » L’album est semé de messages exprimant les préoccupations et les espoirs de Beethova Obas pour Haïti, sa terre natale, sa source d’inspiration « qui le réveille la nuit, à la fois [sa] joie et [son] désarroi ».
« Créer un nouveau monde »
Profitant de l’annulation du concert parisien du 11 décembre au New Morning, pour cause de confinement, il a quitté Bruxelles, où il vit depuis 2005, pour rejoindre Haïti. Il s’y est produit le samedi 5 décembre à l’Institut français, avant deux autres concerts prévus à Cap-Haïtien, deuxième ville du pays, et à Pétion-Ville. « Le concert à l’Institut français fut un moment de pur bonheur, commente Beethova Obas. Le public a fait le déplacement – il n’y avait que 300 personnes afin de respecter la distanciation physique, mais il était également diffusé en direct sur les réseaux sociaux –, en dépit du climat d’insécurité, qui s’aggrave, les enlèvements à répétition. »
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